Convocation [PV Kilia - Elrick]

Le lieutenant Almar était debout devant sa fenêtre, les yeux fixés vers le terrain d'entraînement juste au pied des murs de la forteresse. Un chevalier y longeait un cheval, le faisant passer du trot au galop avec la simplicité qui était synonyme de beaucoup de temps passé ensemble.
Derrière lui, le fauteuil capitonné trônait devant un bureau encombré de cartes, de plumes et de lettres à moitié achevées. Almar n'avait jamais été très soigneux.
Soudainement, les nuages qui avaient bouché le ciel la veille crevèrent, délivrant des trombes d'eau qui écourtèrent la séance d'exercice du cheval, en bas.
Il regarda le cheval trotter derrière le chevalier, courant vers les écuries dans l'espoir utopique d'éviter de se retrouver trempé.
De toute fçon, la pluie n'était pas prête de s'arrèter.

Almar se réinstalla dans son fauteuil quand on frappa à la porte. Il avait envoyé l'un de ses plantons personnels lui chercher les deux seuls chevaliers expérimentés qui restaient au fort, et apparament ils patientaient derrière la porte.

- Entrez.

Elrick était tranquilement en train de graisser les courroies de son armure quand un jeune novice frappa à la porte de sa chambre et lança au-travers du panneau: "Le Lieutenant Almar veut vous voir, messire!"
Il prit quelques minutes pour réassembler son armure, laissant le novice attendre derrière la porte. Quel genre d'homme était le lieutenant? Il avait un peu tapé dans le tas avec le Commandant, mais le lieutenant avait une réputation d'inflexibilité. Donc, tenue réglementaire. Il appela le novice pour l'aider à mettre son armure, et remarqua avec un peu d'étonnement qu'elle lui allait toujours aussi bien après cinq ans. Normal, après tout. Il n'avait pas changé de carrure.
Par contre, il lui faudrait un moment pour se réhabituer à son poids et la sensation d'étouffement qu'elle générait. Il sortit dans le couloir, précédé par le novice en uniforme, ses éperons claquand sur le dallage. Il n'avait pas mit son casque, mais le lieutenant passerait sûrement là-dessus.
Le novice le conduisit jusqu'au bureau du lieutenant, et le fit entrer. Une fois à l'intérieur, le chevalier fut heureux d'avoir mit son armure.
Celle du lieutenant était bien plus légère et décorée d'or.

Almar remarqua le léger coup d'oeil que les chevaliers s'échangèrent. Ils se connaissaient déjà. C'était déjà ça de fait.
Il ne leur proposa pas de s'assoir, sachant par expérience que se redresser avec une armure ne serait pas facile. Lui-même n'avait pas de haubert sous son plastron, et son armure de cérémonie lui laissait assez d'espace pour bouger facilement.

- Très bien. je crois que vous savez pourquoi vous êtes là.

Il rassembla des papiers sur son bureau et les parcouru du regard.

- Chevaliers Elrick et Kilia. Vous avez assez d'expérience pour réussi votre prochaine mission, je crois.

Au bas de l'un des papiers, une phrase écrite de la main du Commandant Salik concernait les états de service des chevaliers.

- Mes informateurs disent qu'une bande armée, apparament des pillards ou des déserteurs, ont passé la frontière des Terres Blanches il y a trois jours. Ils devraient être une dizaine, mal entraînés, mal équipés. Un boulot facile.

Ses prunelles sombres passèrent en revue les chevaliers au garde-à-vous devant lui.

Elrick tressaillit légèrement sous son armure. Il entendait la pluie crépiter sur les vitres et s'imaginait déjà monter vers le nord sous des litres d'eau.
Il savait pertinament pourquoi on l'avait choisi, lui. Pour son expérience avec les gens du Nord, les habitants des Terres Blanches. Que savait le lieutenant sur lui? Que lui avait dit le Commandant?
Il se retint de jeter un coup d'oeil en direction de la jeune femme à ses côtés. Elle aussi, on avait dut la choisir en fonction de ses états de services. Mais lesquels? Qu'avait-elle put faire pour qu'on l'envoye combattre dix brigands? A deux contre dix, c'était presque du suicide. Soit on voulait se débarasser d'eux, soit la fille avait qualque chose de particulier. Il penchait plutôt pour la seconde option.

Le lieutenant continua, ignorant le malaise qui s'étaient installé chez ses subordonnés.

- Il doivent être à deux ou trois lieues de la forteresse s'ils ont continué tout droit. Autant dire la porte à côté. Vous devriez tomber sur leur campement avant la fin de la journée. Il faut que vous les neutralisiez avant qu'ils n'aient eut l'occasion de piller les villages et de mettre le feu aux récoltes. Si vous n'êtes pas revenus d'ici trois jours, votre mission sera considérée comme échouée, et vous comme morts ou déserteurs. A vous de voir ce que vous préférez.

Il baissa les yeux vers ses papiers.

- Je serais vous, je me mettrais en route tout de suite.

Elrick salua, la main sur le coeur. Il ne dit rien. Il n'y avait rien à dire.
Les dernières phrases du lieutenant flottaient dans son esprit. "Morts ou déserteurs". Ce n'était qu'une façon un peu abrupte de présenter les choses, car le règlement stipulait que, si les chevaliers n'étaient pas revenus de mission ou si on avait aucune nouvelle d'eux, ils soient considérés comme morts au combat. Cepandant, il n'arrivait pas à s'y faire.
Il jeta un dernier regard au lieutenant, qui semblait déjà les avoir oublié, plongé dans l'étude de l'une de ses cartes, et croisa le regard de Kilia avant de sortir.
La seule chose dont il avait besoin avant de partir, c'était des provisions et son cheval. Tout au rez-de-chaussé.

Par chance, Almar était dans son bureau, à essayer de mettre de l'ordre dans la pile de lettre et de rapport de mission qu'il avait délaissé depuis quelques jours.
Son irritation augmenta encore quand on frappa à la porte, mais il répondit quand même. Qui sait, ça pourrait être important...
Il releva la tête quand la porte s'ouvrit, puis se laissa aller contre son dossier avec un chuintement. Il avait presque oublié les deux chevaliers.

- Quel genre de problème?

Le lieutenant la fixa quelques secondes en clignant des yeux, puis se reprit rapidement.

- Vous êtes sûrs de vos informations?

Ses yeux noisettes passaient de la jeune femme aux cheveux rouges, manifestement en alerte et inquiète, au grand chevalier à l'air épuisé qui se tenait au fond de la pièce.
Il avait lu les rapports de leurs missions précédentes. Il savait qu'ils n'auraient pas prit le risque de venir lui annoncer des nouvelles qu'ils n'avaient pas vérifiées.

Almar retint un juron.
Pourquoi c'était toujours sur lui que ça tombait?

- Très bien. Vous connaissez leur position?

Il farfouilla un moment dans l'un de ses tiroirs à la recherche d'un parchemin vierge, d'une bouteille d'encre et de cire à cacheter.
Il était grand temps d'envoyer des messages aux chevaliers actuellement en mission et d'alerter les commanderies et villes voisines. Peut-être quelqu'un pourra-t-il envoyer du renfort.

- D'accord. Allez dire à quelqu'un que la loi martiale entre en vigeur à partir de maintenant, que je veut tout le monde sur le qui-vive et prèt à se battre d'ici ce soir. Il fait que les villageois et le bétail entrent dans la forteresse. On aura besoin de tout ce qu'ils pouront trouver en métal et dont on peut se passer pour en faire des armes.

Il signa rapidement en bas du parchemin et le tendit à Kilia.

- Donnez-ça au premier chevalier ou novice que vous croiserez. En attendant, je veux que vous disparaissiez de ma vue et que vous vous reposiez. j'aurais besoin de vous d'ici demain.

=> Suite dans Ecuries